Une nuit, une padawan

Une nuit, une padawan

Cette nuit-là, bien des padawans dormaient sur Ossus, Analia comprise. Mais, comme c’était souvent le cas depuis la tragédie qui avait eu lieu sur Corellia, son sommeil était pour le moins agité. Cette fois-ci encore, elle faisait un cauchemar inspiré des événements qui s'étaient déroulés trois ans auparavant. Elle revoyait le tout avec force détails, se souvenant des événements comme s’ils dataient de la veille. Ceux dont elle savait désormais que c'étaient des acolytes siths, l'attaque de la maison, la mort de ses parents, puis l'attaque qui lui était destinée. Toujours elle se réveillait en sursaut à ce moment là quand ce n'était plus tôt. Elle était redressée sur son séant, en sueur et de l'eau ruisselait le long de son visage : c'étaient des larmes qu'elle versait, silencieuse.
Partageant une chambre avec une autre Padawan, et sachant pertinemment bien qu’elle ne se rendormirait pas de sitôt, l’enfant finit par se lever pour quitter son lit. Elle avait dans l’intention de quitter le dortoir, afin de s’assurer de ne pas réveiller sa camarade de chambre. Et c’est ce qu’elle fit, à pas de loup, elle se dirigea vers la porte qu’elle ouvrit et ferma tout doucement, tout en jetant un œil à sa compagne de chambrée, qui semblait n’avoir pas été perturbée par ce déplacement.
C’est alors qu’elle s’assit dans le couloir, toujours en larmes et toujours hantée par les images qui étaient à la fois celles de son passé et celles de son cauchemar. C’est alors, qu’arrivant au moment où elle revoyait les images de la fin de son mauvais rêve, son souvenir pris le pas sur le rêve. Elle revit alors la suite immédiate des événements, incluant l’arrivée d’Eolianëa. Elle avait beau être encore une petite fille, elle savait qu’elle avait manqué de peu rejoindre ses parents, avoir le même destin qu’eux. Toujours dans ses pensées noires, elle se recroquevilla sur elle-même.
Eolianëa l’avait sauvée et Analia avait confiance en elle, à un certain degré, tout de moins, assez pour l’avoir suivie. Pourtant, paradoxalement, en trois ans, la petite padawan n’avait pas reparlé à son maître des événements qui avaient eu lieu sur Corellia. Elle ne s’était guère ouverte non plus au sujet de ses cauchemars. Était-ce parce qu’Eolianëa avait en partie vécu ces événements ? Était-ce que quelque part, dans l’esprit de l’enfant, elle y était trop liée ? Ou était-ce simplement là sa réserve naturelle qui avait parlé ? Ana n’aurait su répondre à ces questions.
L'enfant ne prêtait nulle attention à son environnement ou à la force, plongée qu'elle était dans son chagrin. Des heures ou des minutes pouvaient bien être passées, Ana l’ignorait et cela lui importait peu. Le ciel aurait quasiment pu lui tomber sur la tête sans qu’elle s’en aperçût. Il n’était donc pas surprenant qu’elle n’eût pas perçu de présence à ses côtés. La personne qui se trouvait là allait devoir se manifester pour qu’Analia se rende compte qu’elle n’était plus seule. Elle finit néanmoins par lever brièvement le regard sur la personne qui était là, avant de cacher son visage, tout aussi prestement. En ce bref instant, elle n’en avait déjà que trop montré à son goût.

 

(c) Kira pour Never Utopia

Profitant d’un trop rare moment de temps libre, Matthieu Emrys était allé ce soir-là prêter main forte aux Jedis en charge des initiés. Comme à l’accoutumée, à peine fut-il entré dans le dortoir  que l’intégralité des initiés lui sautaient dessus pour un câlin groupé ; telle était la force de l’affection que les enfants avaient pour celui qui ne venait que trop peu souvent à leur goût passer du temps avec eux. Une fois sorti de sous la pile de petit corps en manque d’affection, ce qui n’était pas une mince affaire vu le gabarit du jeune homme et le nombre d’initiés présents dans le dortoir, le Chevalier était allé s’asseoir près de la fenêtre. Une fois les initiés glissés sous leurs couvertures, sa douce voix les avait emmenés dans un monde fantastique de contes et de légendes peuplé de créatures toutes plus extraordinaires les unes que les autres. Au fil du récit les paupières des initiés se firent de plus en plus lourdes jusqu’à ce qu’ils finissent tous par s’endormir.

Matthieu déambula un temps entre les rangées de lits, calmant les cauchemars de quelques mots de réconfort et d’une courte mais rassurante étreinte. Une fois certain que tous dormaient du sommeil du juste et que les cauchemars étaient chassés pour la nuit, il sortit et prit la direction de ses quartiers dans l’intention de profiter à son tour d’une bonne nuit de sommeil. Parcourant silencieusement les couloirs du temple, il fut surpris de sentir une présence au détour d’un couloir. Une jeune fille, dix ans environ, était assise contre un mur devant la porte d’une chambre dont Matthieu savait qu’elle abritait deux padawans. Si sa mémoire était bonne il s’agissait d’Analia de la Serna, la tout récemment nommée élève de son amie Eolianëa. En douceur il s’approcha de la petite qui ne sembla pas percevoir son approche, perdue qu’elle avait l’air dans ses pensées. Des pensées plutôt tristes d’après les émotions que la padawan laissait filtrer à travers la Force.

Le Chevalier s’arrêta devant la jeune fille qui l’espace d’un instant leva les yeux vers lui. Même dans la pénombre du couloir Matthieu put apercevoir les yeux brillants et les traces humides sur les joues de la petite avant que son visage ne soit à nouveau masqué derrière le rideau blond de sa chevelure. Sans brusquerie, le jeune homme se laissa glisser au sol et s’assit contre le mur à côté d’Analia sans pour autant envahir l’espace personnel de la petite. Il ramena les genoux contre sa poitrine et entoura ses jambes de ses bras, puis posa le menton sur ses genoux, le regard perdu dans le vague devant lui. Sans regarder la jeune fille il prit la parole à voix basse.

« Bonsoir Analia. Qu’est-ce qui t’amène à profiter ainsi du confort indéniable du sol dur et froid de ce couloir ? »

(c) Kira pour Never Utopia

En levant brièvement les yeux, Analia avait pu reconnaître celui qui se trouvait là auprès d’elle. Il s’agissait de Matthieu Emrys, le meilleur ami d’Eolianëa, son maître jedi. En trois ans, elle avait eu l’occasion de le voir à plusieurs reprises. Durant ce laps de temps, et suite à plusieurs demandes du jeune homme, elle était passée du Monsieur au prénom, puis du vouvoiement au tutoiement. Elle avait également eu le temps de passer du vague signe de tête poli, aux vraies salutations, à des conversations un peu plus fournies. Pour autant, pour l’heure, elle ne s’était pas davantage ouverte à Matthieu qu’à Eolianëa. Néanmoins, avec son maître, le jeune chevalier était l’adulte que la petite padawan connaissait le mieux et dans lequel elle avait le plus confiance. Pour faire parler la petite fille, Eolianëa et Matthieu étaient donc les mieux placés.
Replongée dans ses tristes pensées, la tête entre ses bras, elle ne s’aperçut pas non plus que Matthieu s’asseyait à ses côtés. Elle ne reposa son regard sur lui que lorsqu’il lui adressa la parole. La position qu’il avait prise l’intrigua. Elle n’osa pas pour autant formuler la question qu’elle se posait et qui était la suivante : Pourquoi avait-il adopté cette position-là plutôt qu’une autre ? Curieuse, oui, elle l’était. Mais, se montrer indiscrète ou même estimer qu’elle prenait ce risque était tout simplement hors de question, raison pour laquelle elle ne s’était pas exprimée à ce sujet.
Dur et froid, le sol l’était sans nul doute, mais confortable… C’était une autre affaire ! Seulement, la petite fille n’en avait cure. Elle n’avait même pas prêté attention à ces sensations, pas plus qu’à tout autre élément environnant. Analia n’avait pas manqué de repérer l’ironie dans les propos du jedi. Elle avait également parfaitement compris qu’il soulignait que le choix qu’elle avait fait de s’asseoir là pouvait paraître quelque peu… incongru. L’image qu’elle renvoyait ainsi lui aurait été parfaitement indifférente si elle n’avait attesté de son état d’esprit.

« Bonsoir Matthieu. Je ne voulais pas déranger ma camarade de chambre, d’où le couloir. Et j’avais besoin de m’asseoir »

Elle avait dit cela d’une voix blanche et hachée par les larmes. Elle aurait bien voulu faire comme si de rien n’était, mais là, c’était au-delà de ses capacités ce soir-là.
Si ce qu’elle avait dit était pure vérité, sa réponse était pourtant loin d’être complète ou d’être aussi précise qu’elle aurait pu l’être. D’autant que selon elle, la question de son interlocuteur n’appelait pas directement plus d’informations que celles qu’elle avait bien voulu donner. Sur son cauchemar, sur ses larmes, sur sa tristesse, elle ne disait mot.

« Comment vas-tu ? » fit-elle l’effort d’ajouter par politesse, bien sûr, mais aussi parce qu’elle accordait une réelle importance à la réponse qui lui serait apportée. Même si l’attitude qui allait suivre pouvait laisser croire le contraire.

Après quoi, elle détourna de nouveau le regard, ne pouvant longtemps assumer de laisser voir couler ses larmes, qui continuaient à ruisseler le long de ses joues, tel un torrent.
 

(c) Kira pour Never Utopia

Matthieu laissa ses perceptions mentales s’étendre quelque peu afin de lire un minimum l’aura de sa jeune voisine dans la Force. La présence d’Analia était troublée, révélant un véritable maelström d’émotions dans lequel dominait la tristesse entremêlée de terreur. Pressentant que la jeune fille venait de sortir d’un cauchemar le Chevalier Jedi préféra garder ses distances physiquement afin de ne pas effrayer le petite et la faire se refermer davantage qu’elle ne l’était. Depuis trois ans qu’elle était entrée dans le temple et dans sa vie en tant que Padawan de son amie Eolianëa, Analia s’était avérée être une petite fille discrète et peu encline à s’ouvrir aux adultes. Matthieu connaissait bien sûr l’histoire de sa rencontre avec le Chevalier d’Orion. Le massacre de sa famille par de acolytes Siths avait profondément marqué la petite, d’autant que cela avait été un acte de violence gratuite car seule Analia en tant que personne ayant une sensibilité à la Force les intéressait. S’il avait fini à force d’insistance par amener la jeune fille à le tutoyer et l’appeler par son prénom en privé, cette dernière ne s’était cependant jamais ouverte ni à lui ni à son maître de ce qui la rongeait manifestement de l’intérieur. Entendant les mots de l’enfant, Matthieu soupira intérieurement devant la reluctance manifeste d’Analia de parler de ce qui la troublait. Il choisit de lui répondre d’un ton léger.

« Je vois. Moi aussi j’aime bien m’asseoir à l’écart pour penser. Cependant il est rare que je le fasse en pleine nuit sur le sol de pierre froid et inconfortable d’un couloir, mais si c’est ta façon de faire loin de moi l’idée de te le reprocher.

Personnellement je préfère aller dans une chambre de méditation. La Force sait s’il y en a dans ce temple…»

Ayant prêté attention au ton de voix de son interlocutrice, le Chevalier tentait comme il le pouvait d’alléger ses propos afin de détourner Analia de ses pensées négatives. Matthieu savait bien que c’était futile mais il se devait d’essayer au moins de calmer quelque peu la petite. Le jeune homme se promit cependant de profiter de la situation pour faire sortir la jeune fille de sa coquille et l’amener à se confier un minimum sur ce qui la troublait. Tout garder pour soi comme elle le faisait était le meilleur moyen de provoquer une implosion émotionnelle tôt ou tard, et malheureusement chez un Jedi c’était d’autant plus dangereux que ces émotions en explosant risquaient de se traduire par un déchaînement de pouvoir de la Force au mieux, et de faire basculer la personne vers le côté Obscur de la Force dans le pire des cas. Telle était la plus grande faiblesse des utilisateurs de la Force. Si leurs émotions pouvait augmenter la puissance de leurs pouvoirs, la Force pouvait aussi augmenter leurs émotions crescendo jusqu’à perdre totalement le contrôle à la fois de ses pouvoirs et de ses émotions. Jedis comme Sith cherchaient donc par tous les moyens à contrôler leurs émotions, les Jedis en réprimant totalement toute forme d’émotions par la méditation, et les Siths en se focalisant sur certaines de leurs émotions négatives telles la colère et la haine au détriment de toutes les autres. On en était loin du code des anciens Jedis qui prônaient de reconnaître ses émotions pour mieux les contrôler sans se laisser déborder. Matthieu sortit de ses réflexions lorsque son cerveau enregistra la question d’Analia s’enquérant de sa santé. Levant mentalement les yeux au ciel devant l’ironie de la situation il se contenta de répondre avec un sourire dans la voix.

« Eh bien si tu veux tout savoir je me porte plutôt bien si l’on considère les récents évènements. Je te retournerai bien la question, mais ces larmes qui coulent sur ton visage me paraissent une réponse des plus évidentes. »

Matthieu déplia lentement ses bras et replia ses jambes de manière à être assis en tailleur, puis se tourna pour faire pleinement face à Analia. Avec une infinie douceur il vint poser une main sur le bras de la jeune fille pour attirer son attention.

« Je ressens ton trouble à travers la Force Analia. Tant de tristesse, de culpabilité… Tu veux en parler ?  Je ne t’oblige à rien mais je crois sincèrement que cela te ferait le plus grand bien. »

De l’autre main le jeune homme lui tendit un mouchoir avec un sourire bienveillant sur les traits détendus de son visage, et seulement une légère pointe d’inquiétude lisible dans ses yeux.

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 Analia avait bien perçu le ton léger de Matthieu et sa tentative de la distraire ainsi de son chagrin qui, cependant, y résista. Elle réussit néanmoins à ajouter :

« C’est calme »

C’était du couloir qu’elle parlait ainsi. Et certes, à cette heure-ci, l’endroit était assez calme. Néanmoins, ce n’était pas pour cela qu’elle s’était assise là.
Bon d’accord, la vérité, c’est que si elle avait juste voulu réfléchir, elle n’aurait pas choisi un couloir et sans doute pas la nuit non plus, mais elle s’adaptait aux circonstances. Et en l’occurrence, elle n’avait pas pu attendre de mettre la main sur une chambre de méditation : ses jambes ne l’auraient pas portée jusque-là. Même jusqu’à la plus proche d’entre elles. Sans compter qu’elle aurait été très probablement interceptée par un adulte avant d’y arriver. Face à un autre adulte, les conséquences auraient sans doute été plus embarrassantes que fâcheuses. Bon, elle n’avait pas non plus poussé la réflexion jusqu’à ce point, parant au plus pressé.

Avec la réponse du chevalier jedi, vint la confirmation de ce dont la petite se doutait : ses larmes ne lui avaient pas échappé… Pour autant, elle était restée complètement recroquevillée sur elle-même. Elle perçu la main de Matthieu sur son bras, mais ne daigna relever la tête qu’un bref instant, et ce seulement après l’avoir écouté. Elle en profita pour prendre le mouchoir qu’il lui tendait. Elle l’utilisa également et le mouchoir se retrouva bientôt trempé.

« Merci »

Renfermée comme elle l’était, elle aurait fort bien pu mal réagir à ce contact. Heureusement pour le jeune homme, cela ne fut pas le cas et l’enfant accepta ce geste de sa part.

« Je… sais pas… Tu crois ? » commença-t-elle, sa voix toujours hachée par les larmes. Son regard disait qu’elle était véritablement et complètement déboussolée.

Et pour cause, elle ne savait pas, puisque se confier n’entrait pas dans son vocabulaire et encore moins dans les dernières années. Elle ne pouvait donc savoir si ce que disait Matthieu pouvait être vrai ou non. Tout ce qu’elle savait, c’est que ça partait d’une gentille attention de la part de son interlocuteur. Et elle en était touchée.

« Pas envie… Mais, merci. » ajouta-t-elle, tentant de se défiler comme elle le pouvait.

C’était plus fort qu’elle, et ces mots avaient franchi sa bouche avant qu’elle n’ait pu y réfléchir. Ce qui était vrai c’est qu’elle ne voulait ennuyer personne avec ses soucis et que l’eût-elle voulu, elle n’aurait su par quel bout commencer son récit. Et puis, il connaissait déjà son histoire, non ? Donc quel intérêt de lui dire ce qu’il savait déjà ? Si l’enfant s’était sentie prête à faire de si longues phrases, c’est sans doute ce qu’elle aurait ajouté. Au lieu de quoi, ses larmes redoublèrent, l’empêchant désormais tout à fait de parler.
Elle recacha son visage entre ses bras. Ce n’est pas parce que Matthieu avait perçu sa tristesse ni aperçu des larmes qu’elle pouvait accepter de lui laisser en voir davantage. C’étaient là sa pudeur et sa réserve qui parlaient de concert.

 

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Heureux que la jeune fille ne le regarde pas, Matthieu secoua la tête devant les platitudes qu’elle lui servait. Il remit ses mains sur ses genoux, réfléchissant soigneusement à la suite de ses actions et de ses paroles.

Force ! Que cette demoiselle est difficile à cerner. Tout son langage corporel hurle « Aidez-moi » mais elle refuse verbalement toute tentative de l’assister. Elle a toute l’attitude de quelqu’un qui souhaite se confier mais elle est plus étroitement fermée que le coffre contenant les holocrons Siths dans les archives du Temple.
Il est évident que la brusquer ne servirait à rien, mais je ne sais pas du tout par quel bout la prendre…

Matthieu finit par prendre sa décision. Sans geste brusque il se recula et se releva souplement.

« Soit, je comprends que tu n’aies pas envie de parler. En tout cas saches que ma porte t’est ouverte au cas où tu changerais d’avis.
Bonne nuit Analia, ne reste pas trop longtemps dans ce couloir, je ne voudrais pas que tu prennes froid. »

Espérant tirer une réaction de la jeune fille, il s’inclina brièvement en salut et fit mine de lui tourner le dos pour s’éloigner.

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 Analia ne regardait effectivement pas Matthieu lorsqu’il réfléchissait, pleurant toujours autant, la tête cachée dans ses bras. Ce ne fut que lorsqu’il parla de nouveau qu’elle daigna relever une fois de plus la tête. Et elle agit alors avant de réfléchir, suivant une impulsion. Matthieu l’avait à peine saluée, qu’elle tenta elle aussi de se relever pour rattraper le jedi par ses vêtements. Ses jambes tremblaient tellement qu’elle retomba au sol, ne les maîtrisant pas. Fort heureusement pour elle, elle ne se fit pas mal. Ce n’est certes pas dans les minutes qui suivaient qu’elle irait par elle-même jusqu’aux quartiers de Matthieu.
Ce fut alors qu’au milieu de ses larmes et d’une bouillabaisse de mots, on put discerner les paroles suivantes, hâchées et entrecoupées de longs silences :

« Mat…thieu… res…te……. avec… moi……. s’il-te-plait »

Tout en prononçant ces mots, elle avait regardé en direction du jeune homme, son regard étant encore plus éloquent que ses mots. Elle attendit sa réaction, pleine d’un espoir quasiment palpable. Finalement, elle ne tenait pas tant que ça à rester seule…
L’enfant avait cherché la solitude et jusqu’à présent accepté la présence de Matthieu. Ce qui n’aurait pas été le cas de beaucoup d’autres personnes Et c’est en agissant qu’elle se rendit finalement compte qu’en fait, elle souhaitait pouvoir rester en compagnie du dit jeune chevalier jedi. Elle n’avait cure que ce fut dans ce couloir ou ailleurs (bien qu’elle eût prouvé quelques minutes plus tôt qu’elle n’irait pas bien loin par ses propres moyens).
Et comme pour faire écho à la recommandation du jedi, la petite padawan fut parcourue d’un long frisson. Pas de doute, le couloir n’était pas bien chaud.

 

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Matthieu se retourna en entendant l’appel de la demoiselle. Juste à temps pour assister à sa tentative ratée pour se relever et la chute qui s’ensuivit. Toujours bienveillant, le jeune homme tendit la main et fit appel à la Force, se servant de la télékinésie pour amortir le retour au sol d’Analia. Il revint doucement vers la jeune padawan, s’arrêtant à un mètre d’elle et s’accroupissant pour se mettre à sa hauteur.

Enfin une réaction ! Il lui en aura fallu du temps pour s’ouvrir. Et encore ce n’est qu’un début d’entrouverture du coffre-fort dans lequel elle a mis toute ses émotions négatives. Depuis combien de temps soufre-t-elle en silence de ces cauchemars ? Elle est encore pire qu’Eolianëa et Morgane combinées à ce niveau-là. Au moins ces demoiselles vont voir un guérisseur en cas de cauchemars chroniques ; moi en l’occurrence. Analia n’a pratiquement pas la moindre once de confiance dans les adultes, même ceux qu’elle fréquente depuis maintenant trois ans. Quelle pitié qu’elle se laisse aller à se mettre dans un état psychologique pareil.

Le Chevalier Jedi n’attendait pas forcément qu’Analia lui confie absolument tous ses secrets ce soir-là, mais il espérait au moins amener la jeune fille à se confier au moins sur ces cauchemars, et lui ouvrir l’esprit au fait qu’il était disponible au besoin si elle souhaiter se confier davantage à l’avenir. Mais il ne s’agissait pas là d’une conversation à tenir dans un couloir froid et inconfortable. Une salle de méditation, ou bien même les propres quartiers du jeune homme seraient bien plus appropriés. Restait à convaincre la demoiselle de l’accompagner d’une manière ou d’une autre. L’œil aiguisé de Matthieu repéra aisément le frisson qui parcouru Analia, signe du froid qui régnait cette nuit-là dans le couloir.

« Tu vas vraiment prendre froid à ce rythme jeune fille. Je ne vais pas te laisser seule, tu as manifestement besoin de parler et je suis disposé à t’écouter ; mais je pense qu’il serait préférable que nous ne restions pas dans ce couloir. Soit nous gagnons une salle de méditation proche, soit je te ramène dans mes quartiers, c’est ton choix. Si tu te sens de marcher je te guiderai, sinon je te porterai ça m’est égal. Qu’en dis-tu ? »

Matthieu avait volontairement maintenu un maximum d’options ouvertes pour ne pas brusquer la jeune fille. Vu l’état psychologique de la jeune fille, impossible de prévoir comment elle réagirait si le chevalier décidait de la prendre dans ses bras pour l’emmener. Mais pour autant la soulever par télékinésie était hors de question dans l’esprit du jeune homme. Non qu’il n’eut pas la concentration ou la maîtrise nécessaire, c’était juste très impersonnel et souvent embarrassant pour la personne ainsi portée. Ne restait donc que la solution marche ou prise dans les bras. D’où le choix proposé à Analia.

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 Ce fut tout juste si Analia se rendit compte que Matthieu avait amorti sa chute. Elle finit par lever son regard sur son interlocuteur, remarquant alors qu’il s’était de nouveau accroupi auprès d’elle. Entre deux sanglots, on put alors distinguer les deux mots suivants :

« Merci… Matthieu »

Elle le remerciait tout d’abord d’avoir bien voulu rester auprès d’elle, sans doute également de l’écoute et aide qu’il était prêt à lui apporter et peut-être un peu aussi de lui avoir évité de se faire mal en retombant au sol. Ensuite, elle lui répondit, toujours d’une voix hâchée par les sanglots. Certains mots étaient quasiment inaudibles, voire totalement :

« Je préfère… tes quartiers… … je préfèrerais… marcher. … assise là … parce que… mes jambes … ne me … portaient plus… »

Analia avait prononcé cela sans regarder le jeune jedi, trop embarrassée qu’elle était par la situation et fort pudique quant à ses sentiments. Ce qui faisait déjà plusieurs raisons de cacher son visage.
Oui, elle aimerait mieux marcher, d’autant qu’elle était plutôt indépendante. Sans compter que si elle se faisait porter, même par Matthieu - un des rares adultes en qui elle eût placé une once de confiance -, son embarras s’en retrouverait croissant. Et puis, cela ne ferait que renforcer les souvenirs ravivés par ses cauchemars… D’un autre côté, pour être honnête envers elle-même, elle doutait fortement d’être en mesure de se lever et d’aligner deux pas. Surtout vu la façon dont s’était passée sa tentative de se relever…
 

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 Bien sûr, en trois ans, comme toutes les autres personnes présentes au Temple, Analia avait eu le temps de découvrir les talents de pâtissier de Matthieu. Et il avait donc réveillé la gourmandise de la jeune padawan.

« Ça ne sera pas de refus » dit-elle simplement.

Analia n’avait pas faim, mais sa gourmandise l’emportait. En même temps, elle n’avait pas besoin d’être en appétit, elle était sûre de se régaler. Elle en mangerait juste moins que sans avoir l’estomac noué par le chagrin. Quant au chocolat chaud, c’était une excellente idée, cela la réchaufferait. Elle avait tardé à s’en apercevoir, mais en avait bien besoin.
A avoir ainsi des cookies à portée de mains, Matthieu semblait être paré à toute éventualité. Ana s’était tout juste fait cette réflexion en elle-même que son interlocuteur se relevait et lui tendait la main.
La fierté de l’enfant s’exprimant, celle-ci tarda un peu à réagir. Accepter de l’aide lui était indéniablement difficile. A la fois, le compromis que lui proposait le jeune homme était raisonnable. Alors finalement, après l’avoir fait un peu attendre, l’enfant lui répondit :

« D’accord »

Puis, elle prit la main qui lui était tendue et se releva, s’appuyant légèrement plus sur lui lorsque pour la énième fois ses jambes manquèrent se dérober sous elle. Lorsqu’elle eut repris son équilibre, elle prit le bras du jeune homme, prête à le suivre dans ses quartiers. Et elle se mit donc en route, aux côtés de Matthieu. Elle n’avançait pas bien vite, mais au moins évitait-elle une chute malencontreuse.

 

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Si le chemin parut plus long que d’habitude dans la mesure où ils avançaient lentement, Analia parvint à rejoindre les appartements de Matthieu grâce à l’aide celui-ci. Une fois arrivée là, elle se laissa faire lorsqu’il l’installa dans un fauteuil et se lova dans le plaid qu’il lui avait proposé.

« Merci Matthieu »

Puis, elle acquiesça quant au fait de patienter :

« Oui, je peux attendre le temps dont tu auras besoin, ne t’inquiète pas »

Et elle attendit effectivement. Quand il fut revenu avec chocolats chauds et cookies, il tenta d’aborder la question du pourquoi elle était dans un état pareil à cette heure de la nuit. Mais, s’il avait rebondi sur ce qu’elle avait dit plus tôt, ce n’était pas le biais le plus simple pour elle pour répondre, alors, elle se donna quelques minutes pendant lesquelles elle but une gorgée de chocolat, avant d’entamer sa phrase par un autre bout :

« Je… Tu as bien vu… que j’étais en larmes quand tu m’as trouvée. Je me suis réveillée dans cet état… A cause d’un cauchemar… Et comme je savais que je ne me rendormirais pas dans l’immédiat, je ne voulais pas risquer que mes pleurs ne réveillent ma camarade. Ce n’est pas parce que j’ai du mal à dormir que je suis prête à perturber son sommeil… »

Si Eolianea avait eu l’occasion de voir sur les traits de sa padawan de la fatigue et donc de deviner le manque de sommeil, c’était la première fois que la jeune fille reconnaissait ce qu’il en était, preuve s’il en fallait qu’elle se rapprochait dangereusement du bout.


 

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Matthieu résista péniblement à l’envie de se pincer la base du nez dans un geste manifeste d'exaspération, et garda une expression neutre et encourageante. Avait-il vraiment cru que la demoiselle allait s’ouvrir à lui aussi facilement ? Elle était depuis très longtemps passée maîtresse dans l’art de répondre sans répondre aux questions qui l’embarrassaient. Exemple type, la réponse qu’elle venait de lui fournir et qui ne lui avait rien appris de plus que ce qu’il ne savait déjà. Analia avait de la chance que le guérisseur n’était pas un adepte de la manière forte en matière de psychothérapie, parce que sinon elle s’exposait à se faire fortement bousculer. Matthieu allait devoir faire preuve de subtilité et de ruse pour faire parler la demoiselle. Et peut-être tenter de la déstabiliser quelque peu. Tout en subtilité bien évidemment.

« Et comme je le disais, c’est très délicat de ta part de montrer autant de respect pour le sommeil de ta camarade. »

Renchérit le Consulaire. Prenant le temps de boire une gorgée de chocolat chaud et de grignoter un morceau de cookie, le Jedi observa son hôte à la dérobée. La fillette avait l’air pâle et totalement épuisée. S’il ne savait pas pertinemment que la démarche serait contre-productive, Matthieu aurait été à un cheveu de l’hospitaliser manu militari pour une cure de sommeil et une thérapie intense. Mais avec Analia, un tel traitement aurait pour effet de la briser totalement, exposant tout le temple à une explosion de pouvoir de la Force lorsque les émotions contenues de la Padawan se libèreraient de manière anarchique. Il se retrouvait donc tard le soir à tenter de lui soustraire en douceur quelques bribes d’informations sur ce qui la tourmentait dans le but de lui faire relâcher un peu de l’intense pression émotionnelle qui s’accumulait dans la psyché de la fillette. Conscient qu’un trop long silence rendrait encore plus mal à l’aise une Analia qui l’était déjà beaucoup, Matthieu reprit rapidement le fil de la conversation.

« Un cauchemar dis-tu ? Voilà qui est désagréable. Cela t’arrive souvent ? »

Demanda avec douceur le guérisseur. Le jeune homme avait choisi d’aborder le sujet de manière un peu clinique, à la manière d’un médecin, afin de masquer son approche. Avec un peu de chance et de doigté, la demoiselle se livrerait plus qu’elle ne pensait le faire si Matthieu menait correctement son interrogatoire. Après cela il serait temps de l’aider à guérir de son traumatisme.

(c) Kira pour Never Utopia